Dimanche dernier, 3° dimanche de l’Avent, était le dimanche de GAUDETE, nous invitant à nous réjouir.

Mais il n’est pas toujours facile d’être joyeux alors même que les autres nous disent l’être. Certaines personnes, comme moi, ne savent parfois pas comment avoir un cœur joyeux au milieu de beaucoup de soucis.

Nous entendons aujourd’hui l’Evangile de la Visitation.

Cette icône de la Visitation a été écrite par moi. Lorsque j’ai célébré mon jubilé d’argent en 2017 je l’ai choisie comme image-souvenir, sans qu’il y ait une véritable raison à ce choix. Simplement j’aimais beaucoup cette image et, malgré mon désir de trouver quelque chose de plus spécifique, j’ai conservé cette simple et belle image que j’avais déjà écrite plusieurs fois, faute d’avoir eu le temps de créer autre chose. Et à l’époque, j’étais tellement heureuse avec ce Jubilé qu’ensuite je n’ai pas trop pensé à cette icone, et cela jusqu’aujourd’hui.

Mais à présent je réalise que ce choix avait une signification profonde. C’est un peu comme si cette image m’avait été donnée comme un signe du lien qui existe entre ce qu’elle représente et ma vie religieuse. J’avais choisi comme texte au verso un passage du Magnificat, et j’ai acquis la conviction que vivre selon le Christ, c’est continuer à chanter le Magnificat avec Marie. L’Évangile est advenu au cœur de chaque croyant et continue à chanter un chant de joie dans sa vie.

Tout ce que nous avons à faire est d’en prendre conscience.

Cherchez en vous les graines de la joie ! C’est peut-être trop petit pour être vu, mais ça n’a pas d’importance. Si vous ne pouvez pas les voir, plantez-en de nouvelles. C’est facile : lisez simplement la Bible… Si vous ne parvenez pas à trouver la joie en vous, entrez dans la Parole de Dieu et préparez-vous à vous ouvrir à la joie de Dieu. À ce stade, il n’y aura pas de grande émotion, car la graine est seulement semée. Comme le dit le psalmiste, ≪On s’en va, on s’en va en pleurant, on jette la semence…≫ (Ps 125,6)Et c’est peut-être votre cas. Il en va ainsi souvent dans la vie. Mais si nous semons cette graine, il y aura un peu d’espoir. ≪On s’en vient, on s’en vient dans la joie, on rapporte les gerbes…≫(ibid.)L’espoir qu’un jour le grain pourra germer… C’est l’espoir qu’il germe et grandisse – et cela suffit. C’est cela que Jésus, en naissant comme un petit bébé, a voulu nous dire.

Semer une graine, c’est garder au cœur une phrase, même petite, dans son esprit. Peu importe si on l’oublie. Relisez la Bible ! Ce n’est pas difficile.

Au monastère, notre forme de vie constitue un très bon « terrain » : chaque jour nous sommes nourries et abreuvées de la Parole de Dieu, de sorte que même une personne paresseuse comme moi peut être saisie par la Parole de Dieu !… Je suis reconnaissante pour ma vocation.

Voilà donc la première façon de semer les graines de la joie.

La seconde est de nourrir la graine qui a été semée. Comment faire ? C’est facile aussi.

≪ Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. » (Deutéronome 30,14) Lire la Parole et ne rien faire, c’est laisser la graine cachée dans la terre. En tant que graine, elle a besoin d’être soignée pour pouvoir germer, faire pousser des feuilles, fleurir et porter des fruits. Avec l’aide de Dieu, il pleuvra bien sûr, mais si je l’arrose moi-même de temps en temps, elle fera partie de ma vie.

Agir pour faire grandir la Parole de Dieu dans nos cœurs, c’est ce que Jésus a fait. ≪ Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. ≫ (He 10, 5-10) Jésus est venu dans ce but. Tout ce qu’il faisait, c’était pour accomplir la volonté du Père. De même que le Père aime le Fils, de même le Fils aime tous les hommes et il est venu leur dire son amour.

Nous pouvons imaginer de nombreuses raisons de la visite de Marie à Elisabeth, mais je pense que c’était ce sentiment qui habitait son cœur : entrer dans la volonté de Dieu. En suivant Jésus, nous partageons les mêmes sentiments que lui. Devenir un avec Jésus n’est pas quelque chose qui se fait sur un mystérieux petit nuage. Lorsque nous pouvons faire pour la personne qui est à côté de nous ce que Jésus veut faire pour nous, nous pouvons devenir un avec Dieu.

Si vous cachez une graine dans le sol et que vous la laissez là, elle mourra. La Parole de Dieu ne se développe pas simplement en y pensant. Comme Marie, nous devons nous lever et commencer le voyage. Dans notre vie quotidienne, nous n’avons pas besoin de faire un grand voyage, mais nous pouvons faire beaucoup de petites choses, comme donner un coup de main à un proche. L’important, comme le répète le Pape François, est de sortir de sa coquille et de faire quelque chose pour l’Église et pour les autres. C’est ce qui fait pousser les graines de la joie.

Enfin, une troisième chose qui est importante car si nous l’oublions, tout cela ne nous servira à rien.

C’est de se réjouir de ce que la graine qui a été semée et entretenue ait poussé, et chanter des louanges à Dieu avec Marie en remerciement de sa grâce. C’est pourquoi l’Église chante chaque jour le Magnificat à la prière du soir.

Lorsqu’Élisabeth a reçu la visite de Marie, elle a crié de joie à la présence du Fils de Dieu dans son sein. Comment a-t-elle pu reconnaître la Parole de Dieu cachée dans le sein de Marie ? Je crois qu’il faut avoir la foi et être attentif à la grâce de Dieu. Sinon cela ne peut pas advenir.

Le premier pas pour entrer dans la joie du Magnificat est d’être conscient et reconnaissant pour les pas que nous avons faits aujourd’hui avec la Parole de Dieu dans les petites choses qui arrivent dans notre vie quotidienne. Posons-nous la question : qu’est-ce que j’ai fait aujourd’hui avec Marie ? C’est une façon joyeuse de faire son examen de conscience. Et lorsque vous trouvez une petite joie, restez-y et goûtez-la. Savourez-la, laissez-la remplir votre cœur, laissez-la saisir votre mémoire. Qui peut connaitre cette joie sinon vous ? Cette joie vous appartient en propre, elle fait partie de vous. Vous seule pouvez contempler cette belle et bonne chose que la Parole de Dieu a accomplie en vous. Essayez de rester le plus longtemps possible dans votre trésor avec Marie. Et en répétant chaque jour ce petit exercice, vous allez vous construire vous-même chaque jour un peu plus en marchant avec Dieu dans la joie. C’est un chemin pour approfondir votre charité et votre foi. Si vous persévérez sur ce chemin, vous découvrirez un jour que vous êtes aussi heureux que Marie.

Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles

qui lui furent dites de la part du Seigneur.

(Lc 1, 39-45)

Soeur Marie Joséphina de Jésus